La médiation pour éviter un procès

Jean-Marc SAUVE, mediation tribunal administratif de Nantes

Sur la photo de gauche à droite : Brigitte Phémolant, Présidente de la Cour Administrative d’Appel de Nantes, Jean-Marc Sauvé, Vice-Président du Conseil d’Etat et Bernard Iselin, Président du Tribunal Administratif de Nantes.

 

Et si on discutait avant de se faire un procès ? 

Difficile d’accès, engorgée, la justice administrative poursuit sa rénovation. Maintenant, dans les Pays de la Loire, pour certains dossiers, avant de partir au procès, on doit tenter une médiation.
Assister à une audience du tribunal administratif, c’est une expérience. On y entend des gens parler à la vitesse du cheval au galop sans presque rien comprendre de ce qui est raconté. Malgré les efforts de simplification, on y fait toujours référence à des jurisprudences numérotées et on y brasse un jargon de spécialistes auquel personne n’a accès à moins de Bac + 5…

Pourtant, les juges administratifs règlent un contentieux particulièrement sensible et proche des préoccupations : un champ d’éoliennes au bout de mon jardin, une antenne relais dans mon village, une interminable dispute avec la CAF (caisse d’allocations familiales) ou un accident médical au CHU ? C’est ici que ça se passe.

Hémorragie stoppée

Rien qu’au tribunal administratif de Nantes (compétent pour tous les Pays de la Loire) plus de 11 000 nouveaux recours sont enregistrés chaque année. À peu près autant de jugements sont rendus (deux ans d’attente pour une décision). En appel, devant la cour de Nantes, 4 000 autres nouveaux dossiers sont enregistrés tous les ans (quinze mois d’attente pour avoir un arrêt).

Depuis des années, des moyens ont été engagés pour réduire ou tenir les délais de jugements. Aujourd’hui, ça paye. Les magistrats jugent, chaque année, davantage de dossiers qu’ils en rentrent en stock. L’hémorragie est stoppée. « Depuis le début de la décennie, les recours ont augmenté d’un tiers devant la cour et de deux tiers devant le tribunal administratif, observe le vice-président du conseil d’État, Jean-Marc Sauvé, de passage à Nantes. Une charge considérable ! Mais en dépit de ce choc, les deux juridictions sont à l’équilibre et présentent des délais de jugement comparables aux moyennes nationales. »

Comme chez les cousins du tribunal d’instance ou de grande instance, la tendance est à tenter de désengorger les audiences, vider les stocks. Une ébauche de solution ? La médiation. Vu qu’on se dispute beaucoup un peu partout, si on pouvait discuter un peu avant d’engager un procès, cela soulagerait les magistrats et permettrait de parvenir à des décisions plus consensuelles.

Passer par la case médiation

Déjà mise en œuvre pour certains aspects du droit de la famille au tribunal d’instance, la médiation va devenir obligatoire dans certains domaines de la justice administrative. Un test est déployé dans la région dès le 1er avril. Résumé en une phrase ? Impossible d’engager un procès tant qu’on n’a pas tenté et échoué à résoudre ses désaccords avec l’aide d’un médiateur « neutre ».

Ainsi, dans tous les Pays de la Loire, désormais, il faudra passer par la case médiation pour tout conflit avec Pôle emploi. En Loire-Atlantique, Maine-et-Loire et Vendée, les conflits à l’intérieur de la fonction publique territoriale seront à tenter de résoudre avec un médiateur. Enfin, seulement en Maine-et-Loire et Loire-Atlantique, discussion avant procès pour les questions de prestations sociales versées par la CAF.

« Des questions pourraient être réglées en trois ou quatre mois, au lieu de quatre ou cinq ans, si l’on forme des recours devant le tribunal administratif, la cour d’appel puis en cassation », vante Jean-Marc Sauvé. Gagnant-gagnant ? Réponse à la fin de l’expérimentation, dans quatre ans.

Retrouvez l’article de Thomas HENG dans le Quotidien Ouest-France du 21/03/2018 : Et si on discutait avant de se faire un procès